synapsis
Exemples d'énergies citoyennes et rurales
Chateau-du-Loir
Le café Le Carnot reprend des couleurs
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On appelle réseau social Facebook, ce qu’il y a sur internet alors qu’en fait ça existe depuis des centaines d’années et ça s’appelle le bistrot
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Le Café le Carnot, situé à deux pas de la gare de Château-du-Loir a réouvert ses portes en avril 2022.
Construit en 1895, il a gardé son charme ancien tout en se renouvelant. Porté par Auban Langevin son nouveau propriétaire, il rend possible un nouveau dynamisme et un nouvel espace de rencontre pour ce quartier excentré du bourg où se croisent des personnalités éclectiques et de tout âge.
Qu’est-ce que cela représente pour toi un café de village? Un café de quartier?
Pour moi c’est le premier réseau social. On appelle réseau social Facebook, ce qu’il y a sur internet alors qu’en fait ça existe depuis des centaines d’années et ça s’appelle le bistrot, parce que c’est là où tout le monde se rencontre : des gens de toutes origines sociales, et enfin tu te rends compte que tout le monde a les mêmes préoccupations.
Pour moi ça sert à ce que les gens aillent mieux, à faire du liens entre tout le monde. J’ai l’impression que c’est ce que j’arrive à faire... Il y a des familles, des personnes âgées, des jeunes, des chefs d’entreprises, des fonctionnaires, des chômeurs… Il y a de tout et, passé la porte, tout le monde est là pour passer un bon moment et discuter.
Pourquoi as-tu voulu ouvrir ce café à Château-du-Loir ?
Je suis attaché à Château-du-Loir, j’y ai grandi, pour moi c’est super important. De me dire que je rachète quelque chose ici, ça me fait du bien et je pense que je ne pourrais pas le faire ailleurs.
Il y a des bars, des tabacs, des PMU mais pas de petit café-bistrot.
Il y a beaucoup de bistrots dans les grandes villes et les gens y vont sans arrières pensées. Malheureusement, dans les petites communes dès qu’on se dit : « On va boire un coup au troquet du coin », c’est mal vu. Créer un lieu comme celui-là à Château me tenait à cœur.
Tu te sens être utile?
Oui, je le fais pour moi, mais j’aimerais bien penser que ça sert aussi aux autres.
Les gens me disent qu’il faudrait fermer entre midi et deux mais pour moi c’est un service.
Certes, il faut en vivre mais je trouve qu’un bar c’est presque un service.
Je trouve que ça fait du bien d’écouter des gens parler, il n’y a pas de secret médical mais il y a un secret professionnel. Du coup, ils savent qu’on ne va pas tout raconter à droite et à gauche.
Je n’ai pas la prétention de pouvoir changer les personnes mais je me dis que c’est une utilité.
C’est un peu comme la bande de copains qui est là pour ces moments, moi je suis là aussi dans ces moments où les gens ont envie de parler.
Avec mes copains, on a un peu grandit dans les bars. On était les petits jeunes et il y avait toujours les anciens de 60-65 ans qui étaient trop contents de nous voir. On était au bar avec eux, on se croisait dans la rue, on se disait bonjour. On apprenait beaucoup d’eux et je pense qu’ils apprenaient de nous aussi. Tout le monde a à apprendre de chacun et c’est comme ça qu’on peut discuter. Si on ne discute qu’avec les gens du même âge, venus du même endroit et qui partagent les mêmes idées, on ne va jamais y arriver, alors que là ça te permet de te confronter avec quelqu’un. Tu as le droit de ne pas être d’accord, c’est le but. Discuter, découvrir un peu tout. Tous les avis sont bons à prendre et après on en fait ce qu’on en veut.
Même si je ne suis certainement pas d’accord à 100% avec tout ce qui se dit, notamment dans les petites réunions informelles, ce n’est pas mon rôle d’être d’accord. Mon rôle c’est d’accueillir les gens pour qu’ils puissent parler et discuter.
C’est aussi un petit rôle de concierge ?
Si on veut, ça ne me gène pas. Ça ne me coûte rien de prendre un bout de papier et de le donner à quelqu’un après. Cela veut dire qu’ils ont confiance en moi, c’est un petit service, c’est le bar du quartier.
On en revient à la définition du bar de quartier ...
Oui c’est ça, et là, c’est vraiment un petit quartier, il y a le coiffeur, la boulangerie, un restaurant, un tabac...
On est un peu loin du centre, c’est un inconvénient mais aussi un avantage parce qu’on est au calme et les gens viennent plus facilement pour parler ou pour se retrouver boire un coup sans être vu.
Tu vends pas mal de vins locaux et de boissons locales, c’est une démarche ?
Oui et non. Les gens ici veulent boire du vin du coteaux, du Jasnières parce que c’est une valeur sûre, mais en même temps, j’ai envie de vendre d’autres vins, parce que, comme je le disais tout à l’heure, le but n’est pas de s’enfermer sur nous même. J’aimerais bien prendre du Vendômois. Vendôme est à trente minutes et pourtant on en entend jamais parler.
Plus je réfléchis au vin, plus je me dis que le but est de découvrir. Tu vas dans un bar pour boire du vin que tu n’as pas chez toi. Tu paies un certain prix et si c’est pour boire la même bouteille que tu as chez toi, je ne trouve pas ça très intéressant.
Pour la bière, je travaille avec un brasseur. Je ne prends que de la bière française, avec un bec tournant et qui reste dans le Grand-Ouest.
Comment tu imagines ton café dans dix ans ?
Je ne sais pas et je ne sais pas encore si je serais là. J’aimerais bien que ça existe encore et je ferais tout pour et pour que ça reste à peu près dans le même style, c’est à dire que les jeunes d’aujourd’hui deviennent les moins jeunes de demain et que d’autres jeunes viennent les remplacer et ainsi de suite. Si ça peut marcher et que ça peut encore aider des personnes, si ça peut faire vivre une famille (parce que moi aussi ça me fait vivre), ça me ferait plaisir. Même si je ne suis plus là, le vendre à quelqu’un d’à peu près pareil que moi serait sympa.
Et c’est ce que j’aime aussi. D’avoir acheté le bistrot à Christian, l’ancien propriétaire, fait que le tuilage s’est fait naturellement et qu’il continu à venir. On s’apprécie, on discute. J’ai encore des conseils à lui demander et il me répond.
Si ça n’avait pas été fait dans les règles de l’art, les habitués ne seraient plus venus, ni ses amis. J’ai gardé l’ancienne clientèle et personnellement ça me fait du bien aussi, ça veut dire qu’on n’est peut-être pas si idiot que ça.
Quels projets as-tu pour la suite ?
J’ai envie de faire des petits repas, des petits concerts avec une ou deux personnes qui viennent faire de la musique, pourquoi pas des one man show, des trucs qui sortent un peu de l’ordinaire pour que les gens se disent qu’on n’est pas obligé d’aller au Mans ou à Tours pour voir des spectacles (la Castélorienne le fait aussi très bien).
On n’est pas obligé de faire 40 km pour boire des cocktails, pour boire du bon vin, pour être dans un endroit sympa. Tu peux le faire à cinq minutes de chez toi, c’est important dans un monde rural.
Tu penses qu’on peut vivre en autonomie dans un monde rural ?
Il ne faut pas être naïf, on ne peut pas avoir tout ce qu’il y a dans les grandes villes à Château-du-Loir. Il n’y a pas les mêmes demandes, les mêmes besoins. C’est un peu utopique de se dire qu’on peut vivre à Château sans sortir.
On a besoin des grandes villes, la preuve, beaucoup travaillent au Mans ou à Tours et habitent ici. Et les grandes villes ont besoin de nous aussi parce que ça permet au gens de travailler à la ville et d’avoir un cadre de vie sympa.
Quelles envies as-tu pour faire vivre Château-du-Loir et le canton ?
Je n’y ai jamais vraiment pensé. J’ai juste envie que ça continue.
Au niveau sport, il y a tout ce qu’il faut, au niveau culture, la Castélorienne a été refaite… Il y a toujours des trucs à refaire mais pour l’instant je trouve que c’est sur une bonne dynamique. Pas mal de commerces ont été repris, il y a mon café, la boulangerie d’à côté, ce sont des jeunes.
Ça prouve qu’on peut faire bouger le monde rural.
Le commerce ça t’amène aussi des gens, parce qu’ils viennent pour les services. S’il n’y a plus de boulangerie et que les gens sont obligés de faire 10 km pour aller chercher leur pain, ils ne vont pas venir dans ce bled, ils vont aller vivre dans un autre. Après ça t’amène des familles, donc il faut que le social suive, que l’accueil suive. Il faut que l’emploi des parents suive, qu’il y ait du boulot à côté.
Je pense que pour que Château continue de bien vivre, il faut éviter de sectoriser, tout est en lien. Le social est en lien avec le commerce qui est en lien avec la finance, qui est en lien avec tout. Il ne faut pas se dire, on ne pense qu’à la culture et à côté de ça, on oublie le reste.
Il faut regarder de façon globale et ne pas avoir d’œillères, ne pas se dire « ce côté là m’intéresse et il n’y a que ça pour que ça aille mieux ». C’est un ensemble qui va tout pousser vers le haut.
Il y a aussi la voie verte. En un an, je vois toutes les personnes à vélo passer, ça veut dire que le tourisme se développe un peu.
Café-Bistrot Le Carnot
Horaires d'ouverture
Lundi-mardi-jeudi 9h - 20h
Vendredi-samedi 9h - 22h
Dimanche 9h - 13h
Fermeture le mercredi